Sous le regard de la lune

Nombre de messages : 138 Age : 31 Date d'inscription : 25/11/2011

Tard, après que bien d'autres soient partis dormir, Clélia avait commencé sa ronde nocturne. Comme chaque soir, elle fit le tour du village, s'arrêta en bordure des bois un instant et y entra, pour retrouver l'odeur des arbres mouillés par la neige. Elle repartit ensuite, vers le village, s'assurant que tout le monde était rentré, que personne n'était perdu. Une fois sa ronde terminée, elle se surprit à lever les yeux vers les étoiles, profitant du ciel dégagé de l'hiver.

Bien installée, couverte de fourrures, sur le toit au dessus des portes principales du village, elle dirigea ses pensées vers le ciel, et vers les souvenirs que cette lune pleine lui amenait.

*Tout est... différent... *

Une série de hurlement sourds venant du fond de la forêt attirèrent son attention. Elle se releva légèrement, les oreilles bien attentives. Les hurlements revinrent. Plus lointains.

* Qu'est-ce qu'ils essaient de...*

Un dernier hurlement, plus long, plus douloureux, se fit entendre. Clélia ne pu s'empêcher de ricaner légèrement.

*Hurler le nez dans la neige ne me trompera pas petite sœur. Je sais que vous êtes là.*

La jeune femme repris sa position initiale, les yeux levés vers le ciel. Elle ignorait pourquoi ils étaient partis. Du moins en apparence. C'était inutile. Elle ne pouvait pas reculer, ils le savaient.

Elle avait une nouvelle meute à défendre.

*HJ : Ceci n'est destiné à personne en particulier, sentez-vous libre de rejoindre la louvette*

-Bonsoir louve.

Peragus était arrivé tranquillement sur la scène. Il n'avait pas tenté de se faire discret, mais il était possible que Clélia, absorbée dans ses pensées, ne l'ait pas entendu arriver.

Peragus avait l'air différent. Il n'était plus le caporal Peragus et cela paraissait dans son maintien, dans attitude. Le visage austère et grave qui avait autrefois été le sien s'était assoupli, mais une détermination nouvelle, plus forte que l'ancienne peut-être, brillait dans ses yeux.

Il s'assit à côté d'elle, laissant pendre ses pieds dans le vide.

-Il faut que je te parle. Notre monde est à l'aube d'une ère nouvelle et toi comme moi serons de la partie, qu'on le veuille ou non.

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La louve en question avait entendu l'homme arriver bien avant d'être elle-même dans son champ de vision. Ses sens étaient à l’affût de la moindre perturbation, elle n'avait eu aucun mal à reconnaître le pas fort et légèrement gauche de Peragus. Elle ne se leva pas lorsqu'il s'installa près d'elle, ses yeux fixaient toujours la voûte céleste.

Elle resta silencieuse durant quelques minutes.

- Bonsoir à toi aussi, Petit d'Homme. Il y a longtemps que tu devrais dormir.

Son visage ne portait pas d'expression particulière, Peragus n'aurait su dire s'il l'avait dérangé, ou même si elle avait pris en considération ses paroles. Cela dura un long moment.

- Que sais-tu de tout cela?

*Ce que j'en sais...*

À son habitude, Clélia le traitait d'une manière qui aurait presque pu être confondue avec de la condescendance. Les sujets desquels Peragus tenait à s'entretenir étaient néanmoins plus importants que son orgueil et il se contenta de répondre :

-Le monde sait pour le monde des Esprits. Tout le monde. Du dernier paysan jusqu'au roi d'Harmok, tout le monde a vu la vérité en face. Cette vérité, c'est que depuis plusieurs années les autorités des Guildes manipulent l'opinion publique de façon à cacher beaucoup de choses. Il y aura de la rébellion; il y aura du sang. Il y aura du combat et nous, l'expédition de Trystan Nevos, seront au beau milieu de ce no man's land opposant les rebelles aux forces des Guildes.

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Il n'avait pas répliqué...

La jeune femme se redressa, un sourcil levé en direction de Peragus.

- Mmmm...

Elle prit le temps de s’asseoir complètement avant de lui répondre.

- Je sais. Les guildes n'aiment pas être contrariées. Le peuple n'aime pas qu'on lui mente. Comme chez nous. Le chef tue le loup. Le loup tue le chef et prend sa place. Ou parfois, lorsque c'est la paix qu'on veut, il y a deux meutes. Les humains ne sont pas différents. Nous verrons quelle issue ce sera. Mais s'il y a combat...

Clélia ricana, un sourire carnassier aux lèvres et laissa sa phrase en suspend.

- Je n'aime pas le combat. Mais je veux que la meute vive. Je dois protéger la meute, et le monde des esprits. C'est mon devoir, mon fardeau... notre fardeau. Tu n'es pas venu me voir pour me prévenir d'une guerre... Qu'as-tu en tête, Petit d'Homme?

Peragus semblait satisfait que la discussion ne se soit pas envenimé davantage. Voyant que Clélia semblait de bonne humeur aujourd'hui, il lui exposa volontiers le reste de ses idées.

-Contrairement à toi petite louve je n'ai pas d'obligations formelles envers le monde. Mon devoir ne m'est dicté que par ma conscience, et elle me dit que je n'ai pas le droit de rester les bras croisés alors que je suis une des rares personnes en ce monde ayant le pouvoir de faire une différence.

Il poursuivit, allant droit au but.

-J'ignore ce qui va se passer. J'ignore beaucoup de choses et ça m'inquiète. J'ai besoin de savoir, de connaître et de comprendre si je dois orchestrer la survie de ceux qui voudrons bien me suivre, voire peut-être même du monde. Je crois avoir entendu dire que tu pouvais faire passer les gens dans le monde des esprits. Je dois y retourner. Savoir, connaître, comprendre. Qui sont les habitants de l'autre côté, quels sont leurs objectifs et qui sont ceux que je pourrais peut-être compter parmi mes alliés.

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Clélia releva un sourcil.

-Tu veux savoir qui sont les habitants du monde des esprits et leurs objectifs? Ils n'ont pour la plupart pas une très bonne estime des humains. Et j'ignore à quel point ils seraient ouverts à l'idée de donner de l'aide à des gens de notre côté. S'ils le peuvent.

Elle reprit sa position initiale, couchée sur le dos en regardant les étoiles.

- C'est vrai. Je peux passer. Je suis sans doute la seule qui puisse le faire de manière... naturelle?

Un moment passa.

- D'accord. Je t'y amènerai. Mais tu devras rester avec moi. Et tu dois savoir que de protéger ce monde est l'une de nos priorités. Nous ne te laisserons pas le mettre en danger.

-Ce n'est pas simplement une question de ce qu'ils peuvent faire pour nous, c'est une question de ce que nous pouvons faire pour eux.

Peragus ne fit pas de commentaires sur les opinions et les conditions de Clélia.

-Victoire, Néréviel et Jade. Ce sont eux que je cherche à contacter. Conduis moi à eux et je t'en serai reconnaissant.

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La jeune femme ne bougea pas de sa position initiale. À l'intérieur, elle souriait. Peut-être y avait-il donc quelque chose à faire avec lui.

- Nous te mènerons à eux. Au levé du soleil. Je viendrai te chercher.

Elle tourna la tête vers lui, un sourire aux lèvres.

- Dors en attendant. Je veille sur le village.

-Je sais.

Malgré sa réponse, Peragus ne fit pas mine de s'en aller. Il se coucha à côté de Clélia, les yeux rivés vers le firmament; silencieux.

Il savait que Clélia veillait sur le village. Elle veillait sur bien plus que ça et elle devait le faire bien si on lui avait donné cette responsabilité. Mais la même question revenait sans cesse dans la tête de Valkyrion.

Qui veillait sur elle?